Guide à l'intention des plaignants qui se représentent eux-mêmes et qui allèguent une pratique déloyale en vertu des articles 185 et 187 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LRTSPF)
Devoir de représentation équitable
La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la CRTESPF) accrédite des organisations syndicales à titre d'agents négociateurs d'unités de négociations. À ce titre, l'organisation syndicale a le pouvoir exclusif de négocier collectivement au nom des fonctionnaires qui composent l'unité de négociation. Ainsi, un fonctionnaire ne peut pas déposer un grief concernant l'interprétation ou l'application d'une convention collective (ou d'une décision arbitrale), ni renvoyer un tel grief à l'arbitrage, sans avoir obtenu l'appui de son agent négociateur. Par conséquent, dans certains cas, le fonctionnaire ne pourra pas déposer ce qu'il considère être un grief légitime. C'est ainsi que peut être soulevée la question du devoir de représentation équitable.
Qu'est-ce que le devoir de représentation équitable?
L'article 187 de la LRTSPF interdit à tout agent négociateur d'une unité de négociation, ainsi qu'à ses dirigeants et représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi dans le cadre de la représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l'unité de négociation. Toutefois, il est important de souligner que, selon les paramètres juridiques de l'article 187, l'agent négociateur a le pouvoir discrétionnaire de déterminer la portée de la représentation. Dans Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et al., [1984] 1 R.C.S. 509, la Cour suprême du Canada a établi les principes suivants en ce qui concerne le devoir de représentation de l'agent négociateur :
- Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d'agir à titre de porte-parole des fonctionnaires faisant partie d'une unité de négociation comporte en contrepartie l'obligation de la part du syndicat d'une juste représentation de tous les fonctionnaires compris dans l'unité.
- Lorsque, comme en l'espèce et comme c'est généralement le cas, le droit de porter un grief à l'arbitrage est réservé au syndicat, le fonctionnaire n'a pas un droit absolu à l'arbitrage et le syndicat jouit d'une discrétion appréciable.
- Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l'importance du grief et des conséquences pour le fonctionnaire, d'une part, et des intérêts légitimes du syndicat d'autre part.
- La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.
- La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le fonctionnaire.
Pour plus de détails concernant cette décision, veuillez consulter le site Web suivant : http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/1984/1984canlii18/1984canlii18.html
Que signifie agir « de manière arbitraire », « discriminatoire » ou « de mauvaise foi »?
La conduite arbitraire renvoie généralement à des cas où un agent négociateur n'a pas suffisamment examiné ou traité l'affaire ou le grief d'un fonctionnaire ou n'a pas bien pris en compte les intérêts d'un fonctionnaire. Elle peut également faire référence à des cas de négligence grave.
La conduite discriminatoire s'entend du traitement partial et injuste d'un fonctionnaire pour un motif illégal ou interdit, tel que l'âge, la race, la religion, le sexe ou l'état de santé.
Les mesures prises de mauvaise foi sont généralement décrites comme étant motivées par des sentiments d'hostilité et d'animosité envers un fonctionnaire. Il peut aussi s'agir d'un comportement trompeur ou malhonnête.
Afin de déterminer si un agent négociateur a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, la CRTESPF évaluera la manière dont l'agent a traité le dossier du fonctionnaire. Elle examinera comment a agi l'agent négociateur et le processus qu'il a utilisé pour rendre sa décision à l'égard de l'affaire du fonctionnaire. La CRTESPF déterminera si l'agent négociateur s'est penché sur le bien-fondé de l'affaire du fonctionnaire, s'il a examiné les facteurs pertinents et s'il a pris une décision objective et rationnelle quant à la façon de procéder pour régler l'affaire. La CRTESPF n'évalue pas le bien-fondé du grief du fonctionnaire ni ne remet en question la décision proprement dite de l'agent négociateur de donner ou de ne pas donner suite au grief.
Éléments à prendre en compte
Jusqu'à maintenant, la CRTESPF n'a accueilli qu'un petit nombre de plaintes concernant le devoir de représentation équitable. Comme le fardeau de la preuve incombe au plaignant, celui-ci doit prendre en compte certains facteurs avant de déposer une plainte auprès de la CRTESPF :
- Droit à la représentation
- On ne peut exiger de l'agent négociateur qu'il laisse tout tomber afin de défendre les intérêts d'un seul fonctionnaire ou qu'il s'engage à ce que toutes ses décisions correspondent aux désirs de ce fonctionnaire; on peut seulement exiger qu'il examine les questions soumises par les fonctionnaires individuels de manière équitable et consciencieuse (Punko c. Customs Excise Union Douanes Accise, 2007 CRTFP 56).
- Les fonctionnaires n'ont pas un droit absolu à la représentation par leur agent négociateur dans le cadre de la procédure de règlement des griefs (Richard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 61).
- Sélection des griefs – L'agent négociateur n'est pas tenu de poursuivre tous les griefs. Il appartient à l'agent négociateur de déterminer quels griefs seront poursuivis et lesquels ne le seront pas (Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13).
- Respect des délais
- En vertu du paragraphe 190(2) de la LRTSPF, une plainte doit être présentée à la CRTESPF dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou selon la CRTESPF, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu (Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4).
- Négligence – Seule la négligence flagrante, et non une simple négligence, rendra l'agent négociateur responsable (Archambault c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 56).
- Conduite arbitraire – Les actes ou les omissions de l'agent négociateur doivent excéder les limites d'un pouvoir discrétionnaire exercé de façon raisonnable. Ils doivent illustrer un défaut de prendre part à un mécanisme décisionnel rationnel et/ou un défaut d'en arriver à un jugement raisonné (Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70).
Comment déposer une plainte
Pour déposer une plainte auprès de la CRTESPF concernant le devoir de représentation équitable, vous devez remplir la formule 16, Plainte visée à l'article 190 de la Loi, que vous trouverez dans le site Web de la CRTESPF.
Toute plainte doit être déposée auprès de la CRTESPF, soit en personne ou par messagerie, par la poste, par courriel, par télécopieur ou par tout autre moyen de transmission électronique disponible. Pour de plus amples renseignements concernant la date à laquelle un document est réputé avoir été reçu, veuillez consulter l'article 9 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.
Quand déposer une plainte
Toute plainte doit être déposée auprès de la CRTESPF dans les 90 jours suivant la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte.
La Politique sur la transparence et la protection de la vie privée de la CRTESPF explique pourquoi les renseignements soumis à la CRTESPF sont généralement mis à la disposition du public et pourquoi ils peuvent être rapportés dans une décision affichée sur le site Web de la CRTFP et distribuée aux éditeurs.